La saveur de l'instant présent by Jézéquel Myriam

Auteur:Jézéquel Myriam [Myriam, Jézéquel]
La langue: fra
Format: epub
ISBN: 1152164
Éditeur: ESI Romans
Publié: 2018-02-19T23:00:00+00:00

24. Nouvelle route

Lorsque mon portable vibre dans ma poche, à mon arrivée chez moi, je me prends à espérer qu’il s’agisse de Cyril. Il est entendu qu’il rentrera ce soir et que nous pourrons discuter tranquillement. Le SMS vient de ma sœur Sandra. Que veut-elle ? Son appel me surprend.

[On peut se skyper rapidement ?]

Un peu inquiète, je lui réponds que oui. Le temps de me faire un thé et d’allumer mon ordinateur, le voyant d’appel clignote déjà.

Sandra a beau être ma petite sœur, on se voit peu, du moins dans la « vraie vie ». On essaye quand même de s’appeler mais il faut dire que je ne suis pas très disponible. Derrière l’écran, ma soeur prend place dans le fauteuil du bureau de George, son mari. Elle redresse son dos et replace une mèche de ses cheveux. Toujours la même coupe, parfaitement carrée. Elle me sourit automatiquement, presque sur commande.

– Bonjour Sandra, comment vas-tu ?

– Épuisée ! Elle m'épuise tellement.

– Ah bon ? Je croyais que tu goûtais chaque jour aux joies de la maternité !

– Je ne te parle pas de nos filles mais de maman. ELLE m'épuise !

– Comment ça ?

– Chaque jour, maman accapare notre jacuzzi. Apparemment une solution de remplacement à son club de gym haut de gamme qu’elle n’a pas oublié malgré les années... Et les solutions de remplacement, il n'y a que ça dans son discours ! Elle me conseille sur la déco, se mêle des affaires de George jusqu'à lui proposer le nom d'un ami pour nos placements. J'étouffe de ses regrets perpétuels, de son transfert sur moi de ses désirs de grandeur ! Ma vie lui semble merveilleuse alors qu'elle me semble à moi aussi étriquée que mes vêtements taille 34 avant ma grossesse !

– J'ignorais que tu te sentais à l'étroit dans ta grande maison ! m’exclamé-je en riant.

– Tu ignores beaucoup de choses de moi, me répond-elle d’un ton devenu soudainement acerbe.

Et vlan ! Encore un reproche… A croire qu’ils se sont tous donné le mot !

– Comment pourrais-je m'en rendre compte que tu te sens étriquée ? rétorqué-je sèchement. A chaque fois que nous nous parlons tu me décris ta vie et tout a l’air idyllique : ton mari, tes filles, ta maison. Tu as tout ce dont on pourrait rêver !

– Tu plaisantes, c’est toi qui as la belle vie ! Tu peux voyager à ta guise. Tu peux sortir avec Cyril, rire avec tes amis, t'attarder aux vernissages, changer de plan à la dernière minute... Tu as tant de liberté ! Moi je ne suis que la femme de, la mère de. Et je passe mon temps à m’occuper des autres sans que personne ne se préoccupe de moi.

Un peu étourdie par ce tumulte de frustrations refoulées, je me retiens de lui dire que si elle n'était pas aussi « mère-poule » avec ses filles, à les étouffer de ses soins maternels, elle serait peut-être un peu plus disponible envers les autres... À la place, je lui dis :

– Je regrette sincèrement que tu te sentes négligée.

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